Cet extrait du projet de loi sur l’Instruction primaire, déposé à la Chambre, le 15 décembre 1871, résume l’un des objectifs centraux des Républicains : l’instruction du peuple. Ils veulent pérenniser le nouveau régime en découplant la République de la Révolution. Pour que le suffrage universel cesse d’être une puissance mystérieuse et imprévisible, voire menaçante, il faut que « cette force par le nombre » devienne « le pouvoir éclairé par la raison ».
Aujourd’hui encore, le « certif », résonne en véritable lieu de mémoire de la République. Il est associé dans nos esprits à la figure des « bons maîtres », ces « hussards noirs » promoteurs de l’égalité des chances et artisans de la méritocratie à la française. Même si l’historiographie récente s’est attachée à déconstruire ce mythe, les acteurs scolaires contemporains comme le grand public continuent de voir dans l’école de Ferry un âge d’or. Ces représentations nourrissent la nostalgie et le sentiment d’impuissance pour notre temps. L’institution scolaire peine à jouer son rôle d’ascenseur social. Depuis 50 ans, l’école s’est reconstruite avec le projet de démocratisation, mais « son échec récurrent la fragilise chaque jour un peu plus. L’idéologie du progrès recule devant les monstruosités sanglantes du siècle, devant la contestation écologique et devant la montée des fondamentalismes religieux.» (Alain Prost L’École et la Nation, 2010)
Que peut l’école ? Quel rapport entretient notre pays à son école ? Puisque mythe il y a eu, comment est-il né ? Pour-quoi a-t-il fonctionné ? Comment expliquer la fortune de la condition d’instituteur dans la mémoire collective, métier si modestement rémunéré mais si fortement symbolique de ce XIXème siècle ?