La question de l’identité est une des plus « embarrassantes » qui soit, si l’on suit ce qu’en dit le philosophe Vincent Descombes. C’est une notion ambigüe au contenu incertain parce qu’elle correspond à la fois à ce qui est le plus personnel et le plus intime, notre identité, et ce qui est le plus collectif et le plus public, l’identité d’une nation, d’un groupement quelconque. Elle est donc polysémique selon la réalité qu’elle traite mais, même lorsqu’on détermine avec précision la réalité en question, elle a des contenus indéterminés, indécis et des significations ambivalentes. Mon identité personnelle est-elle prescrite par ma filiation, ou mon profil génétique, ou mon milieu ou par une affirmation volontaire qui irait à l’encontre de ces prescriptions ? Doit-on se résoudre, à propos des identités collectives, et au terme de longues recherches du type de celle de F. Braudel dans L’Identité de la France à conclure qu’elles sont « plurielles » ? Qui suis-je si, comme le dit Arthur Rimbaud, je est un autre ? Que veut dire être européen si sur mon passeport, celui que je partage avec d’autres européens, il est écrit nationalité : française.
Je partage donc, dans une mesure a priori incertaine, avec les autres européens qui font partie du groupement appelé Union européenne, une part d’identité, puisque nous avons le même passeport, et en même temps ce même passeport nous renvoie à une grande diversité de « nationalités ». Telle est la complexe problématique posée dès la constitution de l’Union européenne, une problématique rendue encore plus incertaine quand on se réfère aux initiatives de l’UE pour construire cette identité (par exemple dans sa politique culturelle) et rendue encore plus critique quand on se réfère au profond malaise vécu dans les années récentes par les replis « identitaires » et la question migratoire. J’aborderai dans cette conférence les divers aspects de l’idée d’identité européenne, en montrant que le principe de diversité lui est consubstantiel, tant dans ses références historiques que dans les propositions institutionnelles visant à l’inscrire dans l’action publique