Dans l'histoire du goût s'est produite une bien étrange révolution : elle a lieu au XVIIème siècle et en France seulement. Alors que le Moyen Age et la Renaissance raffolaient des épices orientales, les cuisiniers et les gourmets français ne tolèrent plus que certaines d'entre elles, et en blâment l'usage "excessif".
Comment comprendre ce dégoût soudain, que ne partage pas, à l'époque, le reste de l'Europe ? Qu'est-ce-qui a changé ? Les idées diététiques ? Les moyens de la distinction sociale ? Ou les rêveries attachées à ces étrangères venues d'un Orient fabuleux ? La question mérite l'examen, car ce discrédit des épices, dans la France de Richelieu et de Louis XIV, coïncide avec l'instauration d'un ordre culinaire et gastronomique, mais aussi d'un ordre politique et culturel : ces deux ordres, qui perdurent jusqu'au xx ème siècle ne se sont-ils pas secrètement alliés pour proscrire nourriture et littérature "épicées"?