Abderrahmane BEKIEKH – Enseignant à Cinécursus, en partenariat avec l’Université de Genève. Il enseigne l’histoire, la théorie, l’esthétique, le vocabulaire et la grammaire du cinéma, l’écriture de scénarii, le langage filmique, la mise en scène et le montage au cinéma. Il analyse plus de deux cents films (par exemple au Ciné Actuel à Annemasse) et anime un atelier d’écriture de scénarii.
5 février 2016 – 20 participants.
Les politiques sécuritaires sont-elles la réponse aux défis actuels ?
Lecture panoramique des notions de frontières (géographiques, historiques, politiques, culturelles, sociales, symboliques …) au prisme du 7ème Art.
Présentation, idée générale de la soirée :. Une émission de télévision Géopolitis. Retour des frontières, séparation mais aussi rassemblement des peuples. Toujours plus de frontières, pour délimiter son espace mais aussi pour éloigner les autres. Eloge de la frontière. Marqueur d’espace, retour au nationalisme au protectionnisme ; Arabie-Irak, clôture high-tech. Les plus longues : Nord des USA et sud du Canada, Russie et Chine, Argentine et Chili. Muraille de Chine. Chute du Mur de Berlin qui a eu plus de 10000 heures de vie et qui se décompose en quelques heures. USA-Mexique, mur inutile et honteux disent certains. Palestine- Israël, mur de 700 kms de long quand il sera terminé. Inde et Bangladesh, le mur le plus long. Peur sans barrières, sans frontières. Remise en cause des frontières par exemple en Afrique, au Moyen Orient. Sources de conflit. Médecins sans frontières, la première appellation qui va au-delà des frontières. Bien d’autres depuis, pharmaciens, reporters sans frontières. Les frontières bougent, elles sont nécessaires mais si elles sont trop figées elles entrainent des conflits. Il faut les rediscuter, les faire bouger.
Comment le cinéma a abordé les frontières. Le pèlerin, Charlot : un évadé de prison, innocent et amoureux d’une dame, va lui rapporter l’argent volé par un autre, pour preuve de son innocence mais malgré son geste son innocence n’est pas prouvée et il doit retourner en prison. Le shérif en profite pour faire la cour à la dame. Pour arriver à ses fins, le shérif essaye de se débarrasser de Charlot de l’autre côté de la frontière, au Mexique, expulsion, une nouvelle vie, un nouveau départ, herbe plus verte mais dans ce nouveau monde, il y a la même violence, surenchère de la violence. Du coup, il reste entre deux, dans ces deux mondes. Frontière entre justice et notion de loi. Orson Wells : filmé en un seul plan, un homme amorce une bombe, la met dans le coffre d’une voiture, elle roule au Mexique en direction de la frontière des USA. Ssuspens on attend l’explosion, la voiture passe un carrefour, s’arrête à un stop, un autre couple marche, la voiture suit à leur hauteur, ils passent tous la frontière, ce sont des policiers dans la voiture, la voiture explose quand le couple s’embrasse. Le couple se sépare, repasse côté USA.
Mon oncle d’Amérique : une jeune fille est présentée aux parents de son amoureux mais elle ne leur plaît pas car elle n’est pas du même département. L’argent fait le bonheur de Guédiguian. Des jeunes jouent au Babyfoot, arabes et français de chaque côté. Idée de tracer une ligne jaune sur un immeuble pour séparer les 2 communautés. Et les jeunes, les enfants se battent de chaque côté, personne ne doit passer la ligne jaune. Les relations des adultes en sont affectées. Un curé essaye de réparer, un jeune arabe est amoureux d’une fille de l’autre côté mais qui aime un caïd de son côté. Enfermement dans le quartier et on en rajoute encore en séparant cet espace en deux. La grande illusion : Fin de la 1ère guerre mondiale, les 2 héros s’enfuient d’Allemagne mais n’arrivent pas en France mais en Suisse, paysage qui ressemble à la France, frontière naturelle, un ravin. L’un veut retourner en Allemagne pour retrouver Elsa, qui les a aidés et vivre avec elle, plus de frontière, on peut vivre avec qui on veut en temps de paix. Mais la 2ème guerre se prépare et c’est la grande illusion. Une patrouille allemande les repère, veut tirer mais non l’un des soldats repère qu’ils sont en Suisse !! Tant mieux pour eux. La frontière ne tient pas à grand-chose, là, un peu de neige efface la limite. Bab Aziz, le désert, le sable, pas de boussole, personne âgée aveugle, accompagnée d’une enfant. Tempête, les dunes ont changé de place, l’enfant accompagne le grand-père. Ils vont à une réunion mais ne savent pas où, ceux qui savent trouveront le chemin. La réunion c’est la mort mais on ne connait ni le lieu ni l’heure. Le dictateur, Chaplin, notion d’espace, c’est le mien, ne me marche pas dessus. Brouillard, il se perd, se retrouve du côté ennemi et se fait tirer dessus. No man’s land : des silhouettes, des soldats, un éternel optimiste, humour décalé, la relève dans le brouillard, attendre que le jour se lève. Attaque de l’ennemi côté serbe. Ligne bosniaque, la relève s’est perdue, des 2 côtés, des morts, et chacun va inspecter ses lignes. S’ils se rencontrent nouveau conflit. Deux hommes partent ensemble mais frontière sociale entre eux infranchissable, un expérimenté, l’autre un intellectuel. La frontière de la mort : Nosfératu, Dracula. Voyage du jeune homme de l’autre côté de la forêt pour chercher sa femme, passage d’un pont et passage dans le monde de Dracula, le jour, la nuit, le bien, le mal, et quelquefois une frontière : l’entre deux. On passe de l’autre côté du miroir, le monde des rêves, des personnages mystérieux, inversion de blanc et de noir, les portes s’ouvrent toute seules, le comte Dracula est dans son château, il ne peut apparaître que la nuit, va tomber amoureux de la femme du jeune homme, il lui rend visite la nuit, le mari n’est pas là, la jeune femme est malade, frontière entre le monde de la nuit et le monde du désir. Le coq, lumière du jour qui se lève, Dracula est encre là, il est trop tard, il disparaît, il est prisonnier. Le mari arrive, retrouve sa femme qui meurt figure christique qui prend toutes les fautes de la nuit, le jour a pris le dessus sur la nuit, la vie sur la mort. Sunset boulevard : police, journalistes, un meurtre dans une piscine, Hollywood. L’homme mort est filmé sous l’eau, frontière entre air et eau. Flashback c’est le mort qui raconte son histoire, de la mort à la vie. Antéchrist : un couple, leur enfant quitte son lit, tombe et meurt. Traumatisme, blocage, épreuve, pour en sortir, passer la frontière, retourner dans un monde intime d’avant, dans la forêt. Double identité, schizophrénie, cauchemar, je suis dans le train, assise mais aussi sur le pont, dans le noir, dans la couleur, je parle, je marche, au ralenti, arbre mort, brume, mentalement, éveillée et endormie. La mort clinique,
L’amour à mort : couple fusionnel, décès de l’homme, constat, téléphone, peur, l’homme est vivant, il va se rappeler ce qui s‘est passé et revenir sans cesse sur ce fait, sa mort et son réveil. Il désire retourner là-bas, chez les morts, car il y était mieux qu’avec elle, il s’intéresse, il recherche, amour pour soi Eros, amour pour l’autre, Agapé, il cherche toutes les références sur les morts sur le jugement dernier. Obsédé, il lui cache des choses, il ne s’intéresse qu’à la mort, il s’est vu mort, il avait très froid, il y avait des gens, une foule qui venait vers lui, il les reconnaissait tous même ceux qu’il ne connaissait pas. Le bonheur, un si grand bonheur, toute cette lumière, il ne voulait pas revenir. Sa femme l’observe de loin, frontière entre eux deux et quand il lui échappe elle cherche à le retrouver. Frontière psychologiques, mentales. Les éléments, la terre, l’eau, les autres sont de l’autre côté de l’eau, il avait froid mais il était rempli de bonheur.
Tango : blanc et noir, hommes habillés de noir sur fond blanc, hommes habillés de blanc sur fond noir. Frontière sur le sol noir et blanc qui s’efface, blanc et noir qui dansent ensemble sur sol noir et blanc. Il ne s‘agit pas d’homosexualité. Pour la suite de son spectacle le metteur en scène cherche les contrastes : femmes en blanc, en noir, qui dansent sur des damiers, qui se reflètent dans une glace, homosexualité. La rose pourpre du Caire, Mia Farrow. Elle veut quitter son mari qui la trompe et elle trouve son seul bonheur au cinéma. Elle va voir le même film x fois, elle croit tout ce qui se passe dans le film, elle est fascinée par l’explorateur de retour d’Egypte, il traverse l’écran pour s’adresser à elle. On est dans le rêve total, elle fantasme tellement qu’elle fait sortir son idéal masculin de l’écran. Les gens dans le film, dans la fiction se disputent, discutent, parlent au projectionniste, au public qui croit toujours qu’il assiste au spectacle.
Le corbeau : délation, haine, lettres anonymes, ombre et lumière, bien et mal, bon et mauvais côté, la nature humaine, parabole de celui qui n’a jamais péché, lance la première pierre. Code inconnu : un ado qui attend son frère dans la rue, il mange une pâtisserie. Il rencontre des musiciens, frontière entre ceux qui travaillent, ceux qui vivent pour l’art, ceux qui mendient. L’ado jette un papier dans les mains de la mendiante, il a franchi une frontière ; un autre ado noir l’accoste, le touche, pour lui dire ce n’est pas bien, il le bloque physiquement dans sa progression, il a franchi lui aussi une nouvelle frontière, pour le bien, pour lui donner une leçon de civisme. Il le traîne vers la mendiante pour qu’il fasse des excuses, ils se battent, une frontière de plus est franchie. Sous prétexte de vouloir faire le bien, ils sont entraînés dans la guerre. Un adulte sort de son magasin pour aller vers l’espace public pour remettre de l’ordre, une femme intervient à son tour, de quoi vous vous mêlez ! Doit-on intervenir dans les conflits ? Quand sommes-nous concernés par la violence ? Quand l’intervention est-elle justifiée ? Quand on a vu, quand on est témoin, quand on connait un des protagonistes. Un policier arrive, l’ado noir se retrouve entre deux blancs, le policier va chercher la mendiante, elle n’a pas de papier, le policier ne rend pas les papiers au garçon noir, il est emmené au commissariat, ne me touchez pas, je vous suis. Sur un élan humaniste positif, tout bascule dans du négatif, la mendiante est expulsée, elle ne peut plus nourrir ses enfants, le bon garçon se retrouve fermé, les relations sont déshumanisées. On croit bien faire mais avec la violence et l’agressivité on se retrouve du mauvais côté. La frontière est mince.