Sonia PELLISSIER Enseignante-chercheuse en Physiologie et Neurosciences à l’Université Savoie Mont-Blanc.
29 mai 2018
Les recherches menées dans le domaine des neurosciences ont révélé que notre tube digestif renferme un « second cerveau » qui établit un dialogue permanent avec le cerveau central. Comment ces interactions influencent nos comportements, nos pensées, nos émotions ?
« Toutes les maladies débutent dans l’intestin » Hippocrate
Sonia Pellissier aime transmettre à tous les publics, hors des amphis. Son domaine de recherche et sa thèse portent sur le tube digestif, les intestins, la digestion, le cerveau, les rythmes biologiques, les émotions. En psychologie, toujours partir de l’humain. En 2017, plus de 80 études scientifiques sur le sujet et une importante littérature grand public à partir de publications scientifiques.
Cerveau-intestin, de quoi parle-t-on ?
1 – De la communication par le système nerveux autonome qui fait le relais dans les deux sens, qui crée un dialogue. Cette communication cerveau-intestin a un rôle sur la santé. Appareil digestif et absorption : les replis de l’intestin augmentent la surface d’absorption. Sécrétion de sucs, sécrétion de beaucoup d’eau en 24 heures. 6 litres de liquide sont sécrétés et une grande partie de l’eau va dans le sang. Bonne hydratation = bon transit et les contractions, les spasmes en permanence favorisent un bon transit. C’est le système nerveux entérique qui assure toutes ces fonctions, soit un maillage de 200 millions de neurones équivalents à ceux du cerveau. Cerveau et système nerveux entérique ont le tissu embryonnaire en commun. A la naissance, le système nerveux entérique, notre deuxième cerveau est complet et mature, pour les fonctions de motricité intestinale et pour le développement des autres organes. Il est fondamental pour la santé. L’intestin est un organe ouvert donc exposé à l’environnement extérieur, d’où la présence de la barrière intestinale pour arrêter ce qui peut être pathogènes et protéger les cellules immunitaires se trouvant sous la barrière. Et présence du microbiote, comme partout dans et sur notre corps pour nous protéger. Le cerveau coordonne tout cela, l’intestin envoie des renseignements en permanence et le cerveau renvoie des signaux à l’intestin : comportements (alimentaire, social), émotions, conscience viscéroceptive, cognition. Lors du repas, présence de l’hormone CCK-8 dans l’intestin pendant l’absorption des aliments pour préparer la digestion. Elle envoie des informations au cerveau comme satiété, comportement adapté. Il est important que les signaux de satiété arrivent au bout de 20 minutes.
Recherche : une biopsie de la muqueuse intestinale qui montre une anomalie du système nerveux entérique peut prédire l’évolution d’une maladie neurodégénérative. La muqueuse intestinale à un rôle important dans les pathologies combinant prédisposition générique et facteurs environnementaux. La barrière est infranchissable ; le microbiote intestinal, communautés de micro-organismes qui résident ou transitent dans le tube digestif. Il est composé de 500 espèces, 2 kilogrammes de germes, de milliards de bactéries dont certaines sont anticancéreuses, d’autres aident à digérer, d’autres sont neutres et d’autres peuvent être pathogènes, toxiques. D’où l’importance de l’équilibre alimentaire. Plus l’alimentation est variée et plus de microbiote avec une plus grande diversité. Si la barrière devient imperméable il y a corrélation avec l’apparition du diabète, de la maladie d’Alzheimer, de la maladie de Parkinson, de l’autisme.
Etude au Canada sur des traits de personnalité qui peuvent être transférables par le microbiote : on prélève le microbiote d’une souris calme et on le remplace par le microbiote d’une souris anxieuse, les personnalités sont inversées. On en déduit que chez les humains, les émotions, la personnalité sont influencées par le microbiote. A la naissance, le bébé a le microbiote de la mère et ensuite il fabrique son propre microbiote qui est défini vers 2 à 3 ans (Attention aux antibiotiques qui détruisent le microbiote)
2 – Pathologies de l’axe cerveau-intestin. A : Le syndrome de l’intestin irritable (SII) : douleurs, troubles du transit, ballonnements mais sans troubles organiques. Troubles somatoformes, de l’hypersensibilité, du stress, de la dépression. B : Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI, MC et MCH), maladie de Crohn entre rémission et poussées inflammatoires. Barrière perméable = inflammations, douleurs. C’est une atteinte à la communication cerveau-intestin quand il y a un déséquilibre du microbiote. ’est ce que l’on appelle la dysbiose. Le stress intestinal, le déséquilibre sont envoyés au cerveau par le nerf vague. Mais le nerf vague peut aussi, sur les informations du cerveau, donner des signaux anti-inflammatoires, de calme à l’intestin. Plus le nerf vague est faible, plus la douleur est forte, plus la maladie est forte. C : Restaurer l’équilibre. Pour cela, renforcer l’activité du nerf vague, par la neurostimulation vagale, comme en 1994 pour l’épilepsie ou en 2001 pour la dépression. On implante une électrode autour du nerf vague dans le cou. Etude pilote au CHU de Grenoble. Au bout de 6 mois on constate une rémission, les muqueuses cicatrisent, meilleur tonus vagal, retour à l’équilibre. Certains patients n’ont plus de médicament. Pourparlers avec un laboratoire pour la poursuite de l’étude, une étude d’efficacité avec plusieurs centres européens. Autre expérience, la neurostimulation vagale : la Slow-Acting Therapy soit la région préfrontale et les ondes cérébrales EEG associées au tonus vagal. Les ondes cérébrales sont des fluctuations du potentiel électrique entre différentes parties du cerveau, une activité cérébrale pouvant être mesurée avec un EEG, soit un électroencéphalogramme. Des électrodes sont placées sur des emplacements spécifiques sur le cuir chevelu (double zones occipitales, temporales, centrales et frontales) pour détecter et enregistrer les impulsions électriques de l’activité cérébrale. Autres possibilités, l’hypnose, le biofeedback de cohérence cardiaque, la méditation, le yoga.
Pour améliorer le microbiote, privilégier une alimentation diversifiée, des aliments pré-biotiques, choux, légumineuses, aliments complets, c’est long mais très efficace.
A SUIVRE