Primaires : d’une façon générale on peut remarquer l’arrivée des partis de droite et même des partis populistes dans toutes les démocraties occidentales. Après les Primaires de droite et si les prévisions s’avèrent exactes, deux candidats resteraient en lisse au second tour des élections présidentielles d’avril-mai 2017 : François FILLON et Marine LE PEN. Mais on a vu que les prévisions sont actuellement battues en brèche.
Détails du programme de François Fillon : – 3 objectifs : libérer l’économie – restaurer l’autorité de l’état et affirmer les valeurs de la France. Qu’y a-t-il dessous ce beau discours ? Le fondement de ce projet c’est l’ultralibéralisme affirmé, l’anti-écologisme d’un conservateur catholique. C’est une rupture radicale avec ce qu’a fait la droite jusqu’à maintenant, même sous Sarkozy et d’ailleurs certains de droite comme Alain Juppé disent que ce programme est dangereux et irréalisable. Philosophie de ce projet : il a dit déjà au début de son mandat que la France était en faillite, il est obsédé par la faillite de la France. Le 18 juin 2014 voici ce qu’il déclarait au Daily télégraphe : « Les responsables politiques avaient jusqu’à présent favoriser la justice sociale au détriment de la liberté. La liberté d’entreprendre, la liberté économique. Je sens monter une vraie révolte, un désir d’avoir de vraies libertés, de ne plus supporter les interventions de l’état dans l’économie comme dans la vie privée ». Son électorat est celui traditionnel de la droite ce qui colle avec le souhait de cet électorat de se venger y compris de Sarkozy. Son postulat : bousculer la France progressiste et pervertie, casser le monstre que représente l’état en lui infligeant un choc politique, économique et psychologique. Pour ce faire, il se réfère à Margaret Thatcher et Ronald Reagan.
Redresser la France et les finances publiques en libérant l’économie : amorcer le désendettement et pour cela, il va ordonner un effort de réduction des dépenses de l’état de 110 milliards. Les moyens : 500 000 suppressions de postes dans la fonction publique, augmentation de la durée de travail de 35 à 39 heures. Les retraites : âge reculé à 65 ans à partir de 2022, unification de tous les régimes, fusion des retraites de base et retraites complémentaires. Santé : suppression du tiers payant généralisé – prise en charge par la Sécurité Sociale des maladies longues et graves, les autres affections seraient prises en charge par les mutuelles privées. Mais quelle est la liste des maladies graves ? (Depuis il serait revenu sur ce projet). Logement : réforme de la politique du logement qu’il considère coûteuse et inefficace et en particulier la politique des HLM. Pour le moment, il existe 4 catégories de logements HLM, du moins cher au plus cher, il veut supprimer les 2 catégories les plus accessibles et diminuer le nombre dans les autres catégories. En Haute Savoie les délais sont de plus en plus longs et vu l’augmentation des familles les plus pauvres il y a et aura de très nombreuses demandes non satisfaites. Chômage : dégressivité des allocations au bout de 6 mois – regroupement des aides sociales dans une allocation unique y compris l’aide au logement.
Redresser le pays c’est aussi en modifiant les lois sur le travail : assouplissement des règles de licenciement – en finir avec les 35 heures, suppression de la durée légale du travail. Négociations dans chaque entreprise mais pour éviter ces discussions et en finir avec le dialogue social et les syndiqués, on augmente de 10 à 50 le nombre de salariés pour pouvoir négocier. Atteinte très sérieuse au syndicalisme. Embauches simplifiées dans la fonction publique : on supprime 500 000 emplois et on ne va employer que des contractuels qui deviendront à terme les seuls employés, moins payés, et sans les bénéfices des acquis de la fonction publique. Possibilité pour les entreprises d’embaucher des auto-entrepreneurs donc au détriment des demandeurs d’emploi et des charges sociales. Fiscalité : suppression de l’ISF soit 5 milliards d’euros. Fiscalité diminuée mais par rapport à un quotient familial réévalué à la hausse et ceux qui bénéficieront de la diminution seront ceux qui gagnent le plus. Diminution de 30% au bénéfice des entreprises qui s’engageront à investir. 40 milliards de cotisations sociales en moins pour les entreprises. La hausse de la TVA de 2% pour tout le monde, l’impôt le plus injuste. Ecologie : suppression du principe de précaution, suppression des normes françaises qui se rajoutent aux normes européennes. En agriculture principalement. Prolongement de vie des centrales nucléaires de 40 à 60 ans.
Restaurer l’autorité de l’état et affirmer les valeurs de la France : autorité : retour de l’autorité partout, tout débordement sera puni. A l’école, plus d’autorité, les chefs d’établissement seront responsables, plus d’autonomie de tous les établissements. Réécriture des livres d’histoire. Réécriture de la loi Taubira : suppression de l’adoption plénière par les couples homosexuels et PMA seulement autorisée pour les couples hétérosexuels. Pour lui, l’avortement n’est pas un droit fondamental. Des rumeurs ont fait état d’une volonté d’inscrire un statut de la femme au foyer mais apparemment rien dans le programme ne confirme cela. Cette allégation vient en fait d’une vidéo qui a circulé sur Twitter d’un meeting à Metz. Le candidat y dit qu’il veut « aider les mères de famille en leur reconnaissant une fonction, un statut qui correspond au travail qui est le leur ».
Son parcours : Catholique traditionnel, se réfère à l’église d’avant le Concile. Diplômé de droit public, il commence sa carrière auprès de Joël Le Theule, député (UDR) de la Sarthe, à la fin des années 1970. Il le suit comme conseiller dans les ministères avant de commencer sa carrière d’élu local, comme conseiller municipal à Sablé-sur-Sarthe puis conseiller général. En 1981 il fait son entrée à l’Assemblée nationale sous l’étiquette RPR. En 1993, il démissionne de son mandat de député pour exercer ses fonctions de ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le gouvernement d’Edouard Balladur avant d’avoir le portefeuille des télécommunications entre 1995 et 1997. Il exerce plusieurs mandats à la tête d’exécutifs locaux dans les Pays de la Loire et redevient député de la Sarthe en 1997. En parallèle, il devient porte-parole du RPR en 1998 et brigue, sans succès, la présidence du parti en 1999.
En 2002, François Fillon est nommé ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et démissionne de son mandat de député. Elu sénateur de la Sarthe en septembre 2004, il démissionne quelques semaines plus tard pour exercer ses fonctions de ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il est réélu sénateur en 2005, fonction qu’il quitte en 2007, appelé à être le premier ministre de Nicolas Sarkozy. Au terme d’un quinquennat à Matignon, il quitte sa circonscription de la Sarthe pour devenir député de Paris, parachuté à la place de Jean Tibéri (2ème circonscription). Il annonce dès avril 2015 son intention de se présenter à la primaire de la droite en vue de l’élection présidentielle.
Mais en 2012 il a créé un cabinet de consultants dont il est le seul patron avec une secrétaire attachée aux 1er ministres, il donne des conférences en Russie et en Iran. De 2012 à 2015 Chiffre d’Affaires de 100 millions. Salaire mensuel de 17000 euros + 5857 euros pour la fonction de député. Mais la loi interdit à un député d’ouvrir un cabinet de consultant pendant son temps de député, lui l’a ouvert 2 jours avant d’être élu.
Fillion assure n’avoir laissé aucune place à l’improvisation et aux hésitations dans la construction de son programme.
Explication de sa victoire à la primaire contre toutes les prévisions : aujourd’hui, deux France l’une en face de l‘autre et qui ne se connaissent pas. La France des métropoles, vitrine sympathique de la mondialisation et une autre France celle des petites et moyennes villes et des zones rurales éloignées des bassins d’emploi dynamique, ce qu’on appelle la France périphérique. Villages désertés par tous les commerces, désindustrialisation, villes mortes, cette 2ème France personne n’en parle pourtant elle concentre 60% de la population française. La mondialisation a fait des ravages sur ces territoires, aucun plan de développement, des territoires abandonnés. Ces couches populaires sont confrontées à cette mondialisation qui a détruit leur lieu, leur espace, leurs emplois et ces habitants voient même des gens venus d’ailleurs pour travailler. Dépossession des capacités de ressources qu’ils avaient et ce qui leur reste est pris par des salariés détachés de l’étranger. La loi qui garantit pour ces salariés détachés le SMIC français n’est pas appliquée. C’est cette France qui se révolte et veut changer la donne. Révolte et changement même si ce qu’on leur propose sont des contre-valeurs. Ils veulent retrouver une place et font pression en bousculant les prévisions et attaquent sans le vouloir la cohésion des partis. C’est une sorte de contre-société qui se forme, une sorte de révolution. Au risque de la radicalité : Fillion = guerre interne, guerre sociale. Cumul d’un contexte politique socio-économique difficile et de la question identitaire et la radicalité est déjà là et risque de bouleverser notre monde. Ce mouvement de révolte porte en germes une alternative au recul actuel de l’état providence qui redistribue. Il y a danger si on n’a pas la capacité de construire un nouveau modèle économique, un nouveau rapport à l’autre, dans une société multiculturelle. Nous sommes face à un défi qui s’adresse aux politiques mais en seront-ils capables ? Ce que nous avons vu dans les primaires ne semble pas en capacité de faire changer la donne. Libérer l’économie oui mais en supprimant l’assujettissement aux financiers. L’état qui partage et redistribue, oui mais aux gens qui font prospérer les entreprises, qui travaillent : 50% pour les salariés et 50% pour les porteurs de capitaux. Affirmer les valeurs de la France oui, mais liberté qui s’arrête là où s’arrête celle des autres, égalité dans une société multiculturelle, fraternité en accueillant. Faire vivre la démocratie, se donner une autre classe politique avec une autre forme de représentation dans les instances de la République.
Un livre : La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires de Christophe Guilluy.